
Un coming out pas comme les autres
Que veux-tu faire quand tu seras grande ?
Voilà une question à laquelle, enfants, on répond avec des étoiles plein les yeux, notre sourire édenté qui illumine nos frimousses innocentes.
« Vétérinaire ! » pour ma part, mon index pointé en l’air. « Et danseuse de Hip Hop ! Et aussi astrophysicienne. Et pompier ! Et créer un refuge pour les animaux abandonnés… Et aussi mannequin ! Plus cuisiner dans mon restaurant à moi. »
Avec autant d’enthousiasme et de conviction, on ne peut que nous pousser affectueusement à suivre nos rêves. Mais alors, pourquoi cet encouragement disparaît une fois qu’on est devenu l’adulte qui veut effectivement accomplir toutes ces choses ?
Un petit retour en arrière pour mieux comprendre
Petits, on déborde de rêves et d’envies. Nombreux, loufoques, extravagants, sans limites dans notre imaginaire d’enfant et on nous encourage. À rêver, à imaginer, à être curieux, à se dépasser, à être nous, et ce, peut-être parce qu’en est adorables et trop choux.
Puis à l’adolescence, on nous demande d’être plus précis dans ce qui nous intéresse. Bah oui ! Il faut commencer à bâtir son avenir, à faire des choix – l’insouciance, les paillettes, les licornes, c’est terminé. This is serious stuff, now ! On nous demande même, à coup de tests d’orientation, de déterminer dans quel métier on voudra faire carrière – s’enfermer – d’ici 10 ans. Autant dire une éternité, pour les gamins de 15 ans que nous sommes ! Franchement ! Réussir à se projeter si loin dans le futur, à un si jeune âge, avec la précision que l’on attend de nous, c’est tout un défi à relever.
Puis on arrive à l’aube de notre vie d’adulte, le moment de se spécialiser pour ce fameux métier et de s’outiller dans ce but. On étudie des sujets spécifiques qui ne nous correspondent pas nécessairement mais il le faut ! Pis notre choix est déjà fait. Alors on y va, en croisant les doigts – et en serrant les fesses – pour ne pas avoir à bifurquer en cours de route sinon honte sur nous !
Mais entre temps, où sont passés nos rêves et nos envies ?
Pulvérisés et enterrés sous les railleries de notre entourage. Parce que le « nous trop chou » plein de potentiels qu’on nous encourageait à exprimer est désormais contraint à emprunter le chemin tracé par son environnement social. Chemin tracé selon un modèle qu’on nous vend comme étant non seulement le bon mais le seul. Modèle selon lequel tu marches si tu veux avoir la certitude de réussir ta vie ou à cause duquel tu crèves si tu fais le malheur de ne pas t’y conformer.
Eh bien tu sais quoi ? Ta multipotentialité finit par te rattraper et même par t’attraper
Et en ce qui me concerne, c’est arrivé après plus de 17 ans à travailler comme employée, lorsque je me suis lancée dans l’incroyable aventure de l’entrepreneuriat. Je m’apprêtais à développer mon entreprise en massothérapie en sachant précisément qui j’étais, ce que je voulais, où j’allais… et en choisissant d’ignorer la petite voix qui me soufflait que je me trompais royalement. (Bon, en toute honnêteté, même si je l’avais écoutée, je ne l’aurais pas crue 🙂 )
Au même moment, une très bonne amie, elle aussi multipotentialiste, m’a appris le terme qui définissait le « mal » dont on souffrait. Je n’aime pas les étiquettes mais là, quel soulagement de mettre un mot sur son fonctionnement, de poser un diagnostic ! J’étais contente de découvrir que je n’étais pas anormale, tout du moins que je n’étais pas la seule à me comporter ainsi, mais je n’avais encore aucune idée de l’ampleur de la chose – sa beauté comme son revers. Alors j’ai tranquillement poursuivi ma route.
Je me suis entourée d’experts pour m’aider à peaufiner mon projet d’entreprise et mes services et au fil des mois, je me suis retrouvée à cheminer de façon inattendue, sur le plan professionnel mais surtout personnel : je n’étais pas du tout qui je croyais être et ne faisais pas du tout ce que je croyais vouloir faire. En réalité, j’étais une personne façonnée depuis l’enfance, programmée à agir selon ce qu’on attendait d’elle. Dur à accepter quand on se considère comme une rebelle.
Ce cheminement, ces introspections aussi plaisantes que douloureuses, innées ou forcées, m’ont menée à plusieurs révélations. J’ai alors compris pourquoi je ne pouvais garder un même emploi plus de 18 mois, pourquoi je ne me sentais jamais au bon endroit partout où je passais, pourquoi je ne pouvais me laisser imposer le chemin à suivre, pourquoi je courais après ma vocation, mon one thing professionnel sans les trouver et en laissant mon entourage dans l’incompréhension, pourquoi je n’avais pas confiance en mes capacités et ne voyais que mes côtés négatifs… Et, rien n’arrivant par hasard, c’est au même moment que mes rêves pulvérisés, enterrés et délaissés ont refait surface, presque déchaînés.
Mon coming out de multipotentialiste
Il m’est physiologiquement impossible d’avoir ce fameux one thing. Autrement, je suis incomplète. Lorsque je l’ai enfin compris et que j’ai accepté que j’étais une multipotentielle, j’ai cessé de me « mentir ». Toutefois, l’étape la plus difficile restait à venir – arrêter de mentir à mon conjoint et à la famille et le leur annoncer. Tenter de leur faire comprendre mon incapacité à aller au bout de mes projets à cause de cette tendance à vite m’ennuyer ; de leur décrire le mal être que je ressentais et traînais depuis l’adolescence sans réussir à l’identifier ; de leur expliquer que je donnais l’impression d’être paumée parce que, en effet, je l’étais à force d’essayer de rentrer dans un compartiment qui ne me correspondait pas.
Ces discussions tantôt posées tantôt houleuses, parfois dans la légèreté et quelques fois dans les larmes ont été des moments difficiles. J’ai repoussé certains d’entre eux et provoqué d’autres mais une chose est sûre, ils étaient autant inévitables que nécessaires.
Et maintenant, quelle vie ?
Le processus d’acclimatation est encore en cours mais j’ai réussi à adopter un fonctionnement qui, pour l’instant, convient au type de multipotentialiste que je suis (slasheuse) et me permet de me structurer autour de mes différentes activités. Je précise « pour l’instant » parce que le changement est le propre du multipotentialiste et il se peut que je sois ailleurs dans quelques années ^^
Toutefois, les vieux travers me rattrapent de temps à autre car apprendre à gérer l’ennui, à ne plus se laisser submerger par ses idées, à changer son Mindset, à expliquer ce que l’on est/fait sans cette désagréable impression de se justifier, voire de s’excuser, ça n’est pas de tout repos. Après tout, ce sont 36 années à faire et à penser d’une certaine façon qu’il faut changer.
Dans de tels moments de « rechute », je me focalise sur la tâche en cours en ignorant tout ce qui vient après sinon c’est la panique au sens propre. Ou encore, lorsque c’est la confusion dans mon esprit, j’arrête tout et je glandouille. Oui, vraiment ! Je paresse – et tu devrais, aussi – pour débrancher mon cerveau du trop-plein d’idées. Sans quoi, je rumine, je n’avance plus, je persiste, je finis par me trouver nulle et par me détester, je déprime et je me déteste encore plus.
Alors, chère créature multipotentialiste…
J’espère que tu te retrouves dans ce témoignage et que tu comprends maintenant que tu n’es pas seule. J’espère aussi qu’il t’apportera du réconfort et surtout l’élan dont tu aurais besoin pour, toi aussi, faire ton coming out, si ce n’est pas déjà le cas.
Quoi qu’il en soit, je te souhaite de pleinement embrasser ta multipotentialité. Car être comme nous sommes, pouvoir explorer toutes les possibilités qui s’offrent à nous et, avec, rencontrer d’autres personnes exceptionnelles qui nous font grandir est une chance que nous devrions chérir plutôt que d’en avoir honte.
Prends soin de toi et commence à briller de tous tes potentiels.
Véronique
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